Musica , Maestro …
Voilà que, tout à coup, les ombres disparaissent, le soleil se dilue….et que, dans le vallon, s’installe un grand silence…les pies criardes, les moineaux querelleurs et les cigales ont tu…..les frôlements, les louvoiements, les mouvements, ont disparu…le petit peuple du parterre, surpris, se tait, comme à l’ affût….
Une chaleur poisseuse descend du gris du ciel et pèse, comprime cette absence de bruit, comme une attente..
De lourds rideaux gris se meuvent, très lentement …
Il faut encore quelques instants ………les musiciens s’installent, s’ébrouent, se calent, s’organisent en furtifs frôlements, en légers craquements….
Maestro tape trois petits coups rapides au bord de son lutrin.
Et c’est le vent………. si large….. ample….. généreux et brûlant….qui déferle comme une vague longue, lèche la conque entière, balaie le paysage aussi loin qu’on le voit, en un flux et reflux de vagues successives, régulières, monotones,…
….qui se pressent, pourtant, imperceptiblement…
….se chevauchent, maintenant, happant du nuage gris, mêlant la terre au ciel….
Puis tout d’un coup, d’on ne sait quel recoin , attaquent les rafales…
Qui donc, l’oeil rétréci rivé sur son pupitre, tire, de son instrument, pareil déchaînement, couche les herbes, piétine le maquis, assaillit les grands pins, gifle leur chevelure…
Quel compositeur fou a prévu là, dans cet océan déchaîné, ce volet si méchant qui claque impitoyablement, ces portes assassines tranchantes comme des guillottines, ces craquements épars, cette tôle qui vole, trébuche et rebondit et roule…
L’homme aux gongs, tout là haut, sort du noir de la scène, un spot fulgurant, tout à coups, le révèle…il tape et tape….module avec délectation ses roulements et roule encore…très longuement…
Les cymbales se déchaînent…se frôlent , se baisent et s’aiment honteusement….
….des gouttes …….s’écrasent comme de lourd crachats, soulèvent la poussière…
….martèlent, maintenant, les toits, le ciment, les tympans, transpercent la cervelle…
…..se lient en un rideau opaque et froid et blanc…
….alors que d’autres musiciens, dans un autre recoin , s’amusent et rient, font ruisseler des torrents guillerets qui sautent, louvoient et chantent entre les pierres et l’ herbe et dévalent les pentes, grossissent et se partagent…et jouent…
….et des violons tristes pleurnichent maintenant…
…un merle hurle tout d’un coup…
…et puis, d’on ne sait où, un absurde triangle égrène une dernière goutte…… innocente, argentine…… colorée de turquoise…